J.O. 178 du 2 août 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2005-0523 du 14 juin 2005 rejetant la demande de la société Mobius tendant à ce que soit prononcée une sanction à l'encontre de la société France Télécom


NOR : ARTJ0500061S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment son article L. 36-11 ;

Vu le règlement intérieur de l'Autorité, approuvé par la décision no 99-258 de l'Autorité en date du 18 juin 1999, et notamment ses articles 18 à 21 ;

Vu la décision no 2003-1083 de l'Autorité, en date du 2 octobre 2003, portant modification de la décision susvisée ;

Vu la décision no 2004-375 de l'Autorité, en date du 4 mai 2004, se prononçant sur un différend opposant la société Mobius à la société France Télécom ;

Vu le courrier de la société Mobius enregistré le 1er octobre 2004, par lequel l'opérateur saisit l'Autorité d'une demande de sanction à l'encontre de France Télécom ;

Vu le courrier du chef de service juridique de l'Autorité adressé au directeur exécutif chargé des affaires réglementaires de France Télécom, en date du 11 octobre 2004, l'informant de l'ouverture de la procédure de sanction ;

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 30 novembre 2004, adressant à France Télécom le premier questionnaire des rapporteurs et fixant au 13 décembre 2004 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu la réponse de France Télécom au questionnaire des rapporteurs, enregistrée le 13 décembre 2004 ;

Vu le courrier du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 12 janvier 2005, adressant à France Télécom le deuxième questionnaire des rapporteurs et fixant au 19 janvier 2005 la clôture de remise des réponses ;

Vu la réponse de France Télécom au deuxième questionnaire des rapporteurs, enregistrée le 20 janvier 2005 ;

Vu l'audition de la société France Télécom, en date du 17 février 2005 ;

Vu le projet de compte rendu des rapporteurs de l'audition de France Télécom, en date du 24 février 2005 ;

Vu les observations de la société France Télécom enregistrées le 9 mars 2005, au compte rendu des rapporteurs en date du 24 février 2005 ;

Vu la lettre de la rapporteure en date du 22 mars 2005, transmettant à la société France Télécom le procès-verbal définitif de l'audition du 17 février 2005 ;

Vu le courrier du rapporteur adjoint en date du 1er avril 2005 adressant à France Télécom et à Mobius un questionnaire ;

Vu le courrier de France Télécom répondant au questionnaire et communiquant copie de la nouvelle proposition tarifaire faite à Mobius le 25 mars 2005 pour l'offre de transit IP Réunion-métropole, enregistré le 5 avril 2005 ;

Vu le courrier de Mobius répondant au questionnaire et formulant notamment des observations sur le compte rendu de l'audition de France Télécom, enregistré le 5 avril 2005 ;

Vu le rapport contenant l'exposé des faits et les griefs retenus à l'encontre de la société France Télécom établi par les rapporteurs, conformément aux dispositions de l'article 20 du règlement intérieur susvisé ;

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 25 avril 2005, notifiant à France Télécom le rapport d'instruction des rapporteurs et fixant au 9 mai 2005 la date de remise des observations écrites ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 9 mai 2005, transmettant ses observations sur le rapport d'instruction ;

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 9 mai 2005, transmettant à Mobius les observations de France Télécom enregistrées le 9 mai 2005, en réponse au rapport d'instruction des rapporteurs ;

Vu le courrier de la société Mobius enregistré le 12 mai 2005, transmettant ses observations à la pièce susvisée ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 17 mai 2005, transmettant ses observations à la pièce susvisée ;

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 19 mai 2005, convoquant les sociétés Mobius et France Télécom à une audience devant le collège de l'Autorité ;

Vu les courriers de France Télécom et de Mobius enregistrés le 26 mai 2005, indiquant leurs représentants à l'audience du 31 mai 2005 ;

Après avoir entendu, le 31 mai 2005, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de Mme Elisabeth Marescaux, rapporteure, présentant les faits et les griefs ;

- les observations de Me Frédérique Dupuis-Toubol, avocat, représentant la société Mobius ;

- les observations de M. Eric Debroeck, pour la société France Télécom ;

En présence de :

MM. Philippe Distler, directeur général, Laurent Laganier, Loïc Taillanter, Franck Bertrand, Bernard Messias, agents de l'Autorité ;

MM. Jean Mazier, Lionel Grosclaude, Mme Aurélia David, pour la société France Télécom ;

MM. Yann de Prince, Richard Vilanou pour la société Mobius, assisté de Me Frédérique Dupuis-Toubol et Hubert Mortemard de Boisse, cabinet Bird & Bird ;

Le collège en ayant délibéré le 14 juin 2005, hors la présence de la rapporteure, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;



1. Exposé des faits

a) Le dispositif de la décision no 2004-375 de l'Autorité

en date du 4 mai 2004


« Art. 1er. - France Télécom devra proposer à Mobius un service d'interconnexion de liaison louée de transport entre un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Saint-Denis-de-la Réunion et un site France Télécom ouvert à l'interconnexion et dans lequel est disponible un service d'aboutement de liaisons louées à Paris, au tarif de 1 550 euros mensuels par Mbit/s, en vue de la signature d'une convention d'interconnexion, quatre semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Les frais d'accès au service de cette offre devront refléter les coûts de mise en service de la prestation.

« Art. 2. - France Télécom devra proposer à Mobius une offre de transit IP entre le site du BAS France Télécom de Saint-Denis-de-la Réunion et un site à Paris fixé en accord avec Mobius, en vue de la signature d'une convention, six semaines au plus tard après la notification de la présente décision. Le tarif de cette offre devra respecter les principes définis ci-avant. Les frais d'accès au service de cette offre devront être orientés vers les coûts. Cette offre devra permettre l'échange de trafic local entre France Télécom, ses filiales et Mobius. »

Parmi les principes auxquels il est fait référence, il est précisé que le tarif de l'offre de transit IP devra « être cohérent avec les coûts calculés pour l'offre de liaison louée » et « égal au tarif de l'offre de liaison louée [fixé à 1 550 euros/Mbit/s/mois à l'article 1er de la décision] corrigé d'un facteur correspondant au multiplexage statistique ». L'Autorité indique également que le « ratio devra être cohérent avec ceux constatés pour les offres existantes de France Télécom, tant dans les DOM qu'en métropole ».

La décision a été notifiée à France Télécom et à Mobius par courrier du chef du service juridique, en date du 7 mai 2004. France Télécom a accusé réception de ce courrier le 11 mai 2004.


b) L'offre de transit IP Réunion - Ile-de-France

proposée par France Télécom à Mobius le 21 juin 2004


L'Autorité constate que l'offre de service proposée par la société France Télécom à la société Mobius permet à celle-ci de raccorder son site de la Réunion à son site situé en Ile-de-France grâce à la technologie VPN MPLS de niveau 3.

Conformément à l'article IX des conditions spécifiques transmises à Mobius le 21 juin 2004, le tarif de l'offre de transit IP est constitué :


- d'une composante raccordement : frais d'accès au service pour chaque site raccordé au service, ainsi que frais périodiques correspondant à la redevance mensuelle d'abonnement des raccordements ;



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 178 du 02/08/2005 texte numéro 82




- d'une composante trafic : le client souscrit la bande passante la mieux adaptée à ses besoins ; il est facturé sur la base du prix du Mbit/s de la tranche tarifaire correspondant à la bande passante souscrite (grille tarifaire dégressive) ; le trafic est mesuré et facturé selon la méthode du 95e percentile avec un minimum basé sur la bande passante souscrite.

La grille tarifaire est la suivante :



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 178 du 02/08/2005 texte numéro 82



c) La demande de sanction de la société Mobius,

reçue le 1er octobre 2004


L'Autorité a été saisie le 1er octobre 2004 d'une demande de sanction, présentée par la société Mobius sur le fondement de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, à l'encontre de France Télécom.

La société Mobius reproche à la société France Télécom de ne pas avoir respecté l'article 2 de la décision no 2004-375 de l'Autorité en date du 4 mai 2004.

En premier lieu, la société Mobius considère que la dégressivité des tarifs en fonction du débit « n'a pas été prévue dans la décision et ne correspond nullement à la pratique en pareille matière ». Elle ajoute que « la notion même de dégressivité paraît contestable au regard d'une application stricte du principe d'orientation vers les coûts des tarifs ».

En second lieu, elle avance que « le tarif demandé par France Télécom dans l'offre de transit IP, calculé pour chaque extrémité, conduit à un tarif supérieur à celui d'une offre de liaison louée ».

Enfin, la société Mobius indique que « France Télécom a attendu le 21 juin 2004 pour proposer un projet d'offre, soit au terme du délai de six semaines mentionné dans la décision, alors que ce délai était prescrit, non pas pour le seul établissement de l'offre, mais « en vue de la signature d'une convention six semaines au plus tard après la notification de la décision ». Elle ajoute que « le seul envoi de l'offre (qui ne constitue pas une convention susceptible de signature) après ce délai, constitue tout autant un manquement par France Télécom à ses obligations ».

Ainsi, la société Mobius indique que « l'absence de mise en conformité de l'offre par France Télécom, dans les délais fixés dans la décision de l'Autorité, constitue en tant que telle un manquement de nature à justifier l'imposition par l'Autorité d'une sanction pécuniaire proportionnée à sa gravité ».

Elle soutient, en effet, que « le manquement de France Télécom présente par nature un caractère de gravité :

- d'une part, en ce qu'il constitue une violation patente par France Télécom de ses obligations réglementaires et de son cahier des charges, au titre du refus d'exécuter une décision prise par l'Autorité dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ;

- d'autre part, en ce qu'il vise, par l'imposition d'une tarification excessive et non justifiée, à dissuader la société Mobius de la souscription et de la mise en oeuvre effective de cette offre ;

- de dernière part, en ce qu'il intervient au terme d'échanges, de discussions et d'une mise en demeure envoyée à France Télécom dans l'espoir de préserver cette dernière de graves conséquences de ses agissements ».


d) L'instruction de la procédure de sanction

formulée par la société Mobius


Par un courrier du chef du service juridique en date du 11 octobre 2004, France Télécom a été informée de l'ouverture d'une procédure de sanction à son encontre, à la demande de la société Mobius, pour non-exécution de la décision no 2004-375 de l'Autorité en date du 4 mai 2004.

Par un courrier en date du 30 novembre 2004, les rapporteurs ont adressé un questionnaire à la société France Télécom et fixé au 13 décembre 2004 la date de clôture de remise des réponses.

Par un courrier enregistré le 13 décembre 2004, France Télécom a communiqué des éléments de réponse au questionnaire des rapporteurs.

Certaines réponses étant incomplètes, voire manquantes, les rapporteurs ont jugé nécessaire d'adresser, par un courrier en date du 12 janvier 2005, un questionnaire complémentaire à France Télécom. Ils ont fixé au 19 janvier 2005 la date de clôture de remise des réponses.

Par un courrier enregistré le 20 janvier 2005, France Télécom a communiqué des éléments de réponse au questionnaire complémentaire des rapporteurs.

Par un courrier en date du 27 janvier 2005, les rapporteurs ont convoqué France Télécom à une audition qui s'est tenue le 17 février 2005.

Par un courrier en date du 24 février 2005, les rapporteurs ont adressé, pour observations, un projet de compte rendu de l'audition du 17 février 2005.

Par un courrier enregistré le 9 mars 2005, France Télécom a communiqué ses observations sur le projet de compte rendu de l'audition du 17 février 2005.

Par un courrier en date du 16 mars 2005, les rapporteurs ont adressé à France Télécom le compte rendu de l'audition du 17 février 2005, intégrant les observations de France Télécom.

France Télécom, par une lettre en date du 24 mars 2005, a indiqué ne pas être en mesure de signer le compte rendu de l'audition du 17 février 2005.

L'Autorité, par une lettre en date du 30 mars 2005, transmet à France Télécom, pour information, le compte rendu définitif de l'audition.

Par un courrier en date du 1er avril 2005, les rapporteurs ont adressé un questionnaire à France Télécom et à Mobius.

Par un courrier enregistré le 5 avril 2005, France Télécom a répondu au questionnaire et communiqué copie de la nouvelle proposition tarifaire faite à Mobius le 25 mars 2005 pour l'offre de transit IP Réunion-Métropole.

Par un courrier enregistré le 5 avril 2005, Mobius a répondu au questionnaire et formulé des observations sur le compte rendu de l'audition de France Télécom et les observations adressées par France Télécom à l'Autorité les 9 et 16 mars 2005.

A la suite de l'instruction du dossier, les rapporteurs ont considéré que France Télécom n'avait pas respecté l'article 2 de la décision de l'Autorité.

Dans ces conditions, par un courrier du chef du service juridique en date du 25 avril 2005, il a été transmis à France Télécom le rapport d'instruction établi par les rapporteurs, contenant l'exposé des faits et des griefs retenus à son encontre.

Il ressort de ce rapport que « même si le nouveau tarif de l'offre de transit IP proposé par France Télécom à Mobius, de 1 250 /Mbits par mois apparaît comme une évolution souhaitable, d'autant qu'il recouvre une prestation par essence bidirectionnelle, [...] ladite offre a été proposée tardivement à Mobius [...] ».

Les rapporteurs font ainsi « grief à la société France Télécom de ne pas avoir exécuté dans sa totalité la décision no 2004-375 de l'Autorité en date du 4 mai 2004, en ce que :

- la communication tardive à Mobius d'une offre de transit IP ne permettait pas aux parties de bénéficier d'un délai raisonnable en vue de la signature d'une convention dans le délai de six semaines prévu par la décision ;


- entre le 21 juin 2004 et le 31 décembre 2004, elle a appliqué de manière abusive au seul ratio de multiplexage statistique prévu par la décision, un coefficient d'asymétrie des flux destiné à prendre en compte les flux montant et descendant de l'offre de transit IP, alors que, par stricte application de la décision no 2004-375, le tarif de l'offre de liaison louée à partir duquel est calculé l'offre de transit IP reflète déjà par construction un flux bidirectionnel.

Le retard dans l'application d'un tarif reflétant une prestation bidirectionnelle est largement imputable aux manoeuvres dilatoires de France Télécom lors des négociations engagées avec Mobius. »

Ainsi, les rapporteurs ont écarté le manquement relatif à la dégressivité des tarifs de l'offre de transit IP invoqué par la société Mobius. Ils ont en effet considéré en l'espèce que l'application d'une grille tarifaire dégressive était cohérente avec la tarification des autres offres de transport IP de France Télécom, comme l'offre transit IP Métropole ou encore l'offre Collecte IP/ADSL.


2. Les échanges entre les parties sur les griefs établis

à l'encontre de France Télécom

a) Sur le grief relatif à la communication tardive

de l'offre de transit IP

(i) Sur la communication de l'offre


A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes.

France Télécom souligne que « la décision no 2004-375 ne comportait aucun délai quant à la communication de l'offre de transit IP ». Elle se réfère alors à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 septembre 1996 qui prévoit qu'une injonction « est d'interprétation stricte et doit être formulée en des termes clairs, précis et exempts d'incertitude quant à son exécution ». Elle ajoute que ce principe est « également constant en droit communautaire, qui le défend sur le terrain du principe général de sécurité juridique, en énonçant que toute norme [...] doit être claire, précise, certaine et d'application prévisible ».

France Télécom note que les rapporteurs relèvent que la transmission du contrat de transit IP aurait du intervenir dans un délai « suffisant » et « raisonnable », sans mentionner « ce qui en l'espèce au regard du délai de quatre semaines imparti par l'Autorité aurait constitué un délai "raisonnable ».

France Télécom se réfère ensuite à l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques qui dispose que « lorsqu'un exploitant de réseau ou un fournisseur de services ne se conforme pas dans les délais fixés à une décision prise en application de l'article L. 36-8 [...] », l'Autorité peut prononcer à son encontre une sanction.

Aucun délai n'ayant été fixé par l'Autorité dans sa décision no 2004-375, France Télécom en déduit « qu'aucun grief ne saurait [...] valablement être soulevé à son encontre sur ce fondement ». Elle ajoute « qu'en communiquant l'offre de transit IP dans le délai de six semaines, France Télécom a mis Mobius en position de contractualiser et s'est ainsi conformée à la décision no 2004-375 ».

La société Mobius a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom.

Mobius considère qu'il s'infère nécessairement du délai de contractualisation de six semaines un délai à l'intérieur duquel l'offre de transit IP aurait dû lui être transmise.

Mobius estime par ailleurs que les arguments développés par France Télécom visent en réalité à contester la précision de l'injonction de l'Autorité, alors que sa décision a été confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 7 décembre 2004, qui lui confère l'autorité de la chose jugée.

Mobius considère que la communication par France Télécom d'une offre dans un délai raisonnable au regard du délai de contractualisation ne constitue « nullement une dénaturation ou un ajout au texte même de l'injonction » et estime que la communication de l'offre la veille du délai prévu pour la contractualisation constitue un envoi tardif, n'intervenant pas dans un délai raisonnable, notion par ailleurs parfaitement établie selon elle.


(ii) Sur la contractualisation de l'offre


A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes.

France Télécom relève que « le grief soulevé par les rapporteurs ne vise pas expressément la non-contractualisation ». Elle considère toutefois que celle-ci ne saurait lui être imputée.

En premier lieu, France Télécom souligne « le caractère par nature imprévisible et aléatoire de la contractualisation ». Elle ajoute que l'Autorité « n'a mis aucune obligation à la charge de Mobius quant à la signature de la convention » et que cette dernière « conservait [...] la possibilité de reporter sine die la signature du contrat ».

France Télécom précise à cet égard « qu'il a fallu près de cinq semaines à Mobius pour prendre connaissance de l'offre et adresser ses premières remarques à France Télécom et près de douze semaines » pour accepter son offre.

En second lieu, France Télécom avance que « la formulation de l'injonction retenue par l'Autorité dans la décision no 2004-375 diffère de sa pratique décisionnelle qui met naturellement en pareil cas des obligations à la charge des deux parties ». France Télécom fait référence à des décisions antérieures de l'Autorité se prononçant sur des différends.

Elle en conclut que « la non-contractualisation de l'offre de liaison louée de transport ne saurait être [...] imputée à France Télécom, la signature du contrat dépendant des deux parties ».

La société Mobius a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom.

Sur l'absence de contractualisation dans le délai de six semaines, Mobius indique que le seul fait que France Télécom ait transmis sa convention la veille de l'expiration du délai de signature de la convention ne lui permettait pas de prendre connaissance de l'offre en vue de sa négociation et encore moins de la signer.

Mobius indique par ailleurs que le seul fait que France Télécom ait fait droit en février 2005 à certaines de ses demandes tarifaires montre bien que la décision n'a pas été respectée et que France Télécom n'a pas mis Mobius en situation de signer une convention conforme à la décision à l'expiration du délai qui y était fixé.

En conséquence, Mobius considère que France Télécom, en lui transmettant son offre seulement la veille de l'expiration du délai prévu pour sa contractualisation, se rend coupable d'une inexécution de la décision au titre de cette communication tardive.

Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005 en réponse aux observations de Mobius du 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et considère, en l'absence de définition par l'Autorité du délai de transmission de l'offre dans sa décision et au regard du principe d'interprétation stricte des injonctions, qu'elle a respecté ladite décision en communiquant à Mobius l'offre de transit IP dans le délai de contractualisation et en mettant ainsi Mobius en situation de signer.


b) Sur le grief relatif au tarif de l'offre de transit IP


A la notification de ces griefs, la société France Télécom a apporté, par courrier en date du 9 mai 2005, les observations suivantes.

France Télécom relève que la prestation imposée par l'Autorité dans sa décision comportait des imprécisions et qu'elle ne peut dès lors pas être condamnée pour une injonction qui n'est encore une fois pas « formulée en des termes clairs, précis et exempts d'incertitude quant à son exécution ».

France Télécom considère s'être « attachée à respecter l'esprit de la décision » en calculant le tarif de l'offre de transit IP « en cohérence » « avec les principes tarifaires appliqués pour des offres similaires en Métropole », principes qui, selon elle, « n'ont jamais fait l'objet d'aucune remise en cause de la part de l'Autorité ».

France Télécom estime démontrer « l'intérêt de l'application de ces principes tarifaires », ainsi que « le caractère particulièrement favorable de l'interprétation de la décision » qu'elle a retenue.

S'agissant de son offre pour l'année 2005, France Télécom considère que les tarifs appliqués ne sont pas contradictoires avec ceux de 2004, et qu'ils s'expliquent par « la prise en compte de la croissance du trafic et des dernières données concernant le réseau ». A cet égard, France Télécom rappelle que les rapporteurs considèrent les tarifs 2005 satisfaisants et en déduit que l'offre 2005 est cohérente avec celle de 2004 et, par suite, que « la conformité des tarifs de l'offre 2004 à la décision no 2004-375 » est démontrée.

La société Mobius a apporté, par courrier en date du 12 mai 2005, les observations suivantes sur la réponse de France Télécom.

Mobius considère qu'en contestant la « méthode de détermination des coûts retenus par l'Autorité », France Télécom remet en cause la décision de la cour d'appel de Paris et émet ainsi une critique « qui ne trouve pas sa place dans une procédure de sanction ».

Sur le fond, Mobius considère :

- que l'application à son encontre d'un coefficient de multiplexage égal à 1, Mobius étant, selon France Télécom, le seul bénéficiaire de l'offre de transit IP relève du « mensonge pur et simple ». Mobius affirme qu'une autre société, RunNet, bénéficie également de cette offre ;


- que l'application d'un coefficient d'asymétrie à un tarif reflétant à l'origine une offre bidirectionnelle n'est pas justifié par France Télécom.

Mobius considère en outre que l'offre proposée par France Télécom en 2005 n'est pas davantage respectueuse de la décision no 2004-375 que l'offre de 2004.

Pour conclure, Mobius considère que les explications de France Télécom renforcent la démonstration de ses manquements dans l'exécution de la décision de l'Autorité et justifient les griefs retenus par les rapporteurs. Mobius demande donc à l'Autorité de sanctionner France Télécom en application des dispositions de l'article L. 36-11 du code précité.

Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005, en réponse aux observations de Mobius du 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et précise que, s'agissant du grief relatif au tarif de l'offre de transit IP, France Télécom considère avoir démontré le bien-fondé du tarif qu'elle applique et sa conformité à la décision no 2004-375.

France Télécom conteste l'information selon laquelle la société RunNet aurait souscrit à l'offre de transit IP.

Sur la non-conformité des tarifs 2005, France Télécom souligne qu'ils sont cohérents avec ceux de 2004 et rappelle que les rapporteurs les considèrent comme satisfaisants.


c) Conclusions des parties


Au regard de la notification de ces griefs, la société France Télécom, à travers son courrier en date du 9 mai 2005, considère pour conclure « qu'aucun des griefs soulevés par les rapporteurs ne sont justifiés » et que « l'Autorité ne saurait [la] sanctionner en application de l'article L. 36-11 du code » précité pour non-respect de la décision no 2004-375.

Pour conclure, Mobius considère, dans son courrier en date du 12 mai 2005, que les explications de France Télécom renforcent la démonstration de ses manquements dans l'exécution de la décision de l'Autorité et justifient les griefs retenus par les rapporteurs. Mobius demande donc à l'Autorité de sanctionner France Télécom en application des dispositions de l'article L. 36-11 du code précité.

Dans ses observations enregistrées le 17 mai 2005, en réponse aux observations de Mobius du 12 mai 2005, France Télécom renvoie à ses précédentes écritures et précise que l'interprétation faite par les rapporteurs de la décision no 2004-375 les conduit à formuler des griefs non justifiés. France Télécom renvoie pour conclure à ses conclusions tendant au rejet par l'Autorité des griefs soulevés par les rapporteurs.


3. Audience des parties en date du 31 mai 2005


Les arguments et les prétentions des parties développés par les parties lors de l'audience du 31 mai 2005 sont similaires à ceux préalablement évoqués.


4. Analyse par l'Autorité

a) Sur le grief relatif à la communication tardive

de l'offre de transit IP


L'article 2 de la décision no 2004-375 de l'Autorité en date du 4 mai 2004 prévoit que « France Télécom [devait] proposer à Mobius une offre de transit IP [...] en vue de la signature d'une convention six semaines au plus tard après la notification de la [...] décision ». Ladite notification datant du 11 mai 2004, le délai prenait fin le 22 juin 2004.

En adressant à la société Mobius une offre seulement le 21 juin 2004, soit le dernier jour utile, France Télécom rendait extrêmement difficile la concrétisation d'un accord dans le délai imparti.

L'Autorité observe que la transmission de l'offre est cependant intervenue dans le délai de six semaines prescrit par la décision no 2004-375 de l'Autorité.

Ainsi, l'Autorité estime que le caractère tardif de la transmission de l'offre de France Télécom ne constitue pas en l'espèce un manquement explicite à la décision no 2004-375 précitée.


b) Sur le grief relatif au tarif de l'offre de transit IP


Il ressort des termes de la décision no 2004-375 de l'Autorité, en date du 4 mai 2004, que « le tarif de l'offre de transit IP [doit] être égal au tarif de l'offre de liaison louée corrigé d'un facteur correspondant au multiplexage statistique [...] cohérent avec ceux constatés pour les offres existantes de France Télécom, tant dans les DOM qu'en métropole ». L'article 1er de la décision no 2004-375 fixait à 1 550 /Mbit/s le tarif mensuel de l'offre de liaison louée de transport. L'offre de liaisons louées est par essence bidirectionnelle, c'est-à-dire qu'un mégabit s'entend comme une capacité symétrique, permettant d'écouler simultanément un mégabit de la Réunion vers la métropole et un mégabit de la métropole vers la Réunion.

France Télécom a initialement proposé une offre de transit IP à un tarif mensuel compris entre 1 152 et 1 280 /Mbit/s selon la tranche de débit commandée. Ce tarif reflétait une prestation unidirectionnelle (collecte du trafic de la Réunion à la métropole). Ainsi, en appliquant le coefficient d'asymétrie retenu par France Télécom de 1,59, le tarif du mégabit bidirectionnel, comparable au tarif du mégabit de l'offre de liaison louée de transport, était au minimum de 1 832 /Mbit/s et par mois. Ce niveau tarifaire était supérieur au plafond de 1 550 /Mbit/s et par mois imposé par la décision no 2004-375.

Par un courrier en date du 25 mars 2005, France Télécom a proposé un nouveau tarif du transit IP. Le tarif mensuel du mégabit s'établit désormais à 1 250 pour une prestation bidirectionnelle. L'Autorité constate que ce niveau tarifaire est inférieur au plafond arrêté par la décision no 2004-375. France Télécom a en outre indiqué appliquer rétroactivement ce tarif à compter du 1er janvier 2005.

Dans ces conditions, l'Autorité estime que l'évolution tarifaire proposée par France Télécom se révèle satisfaisante, tant au regard du plafond fixé par la décision no 2004-375 qu'au regard des perspectives de développement concurrentiel du marché du haut débit à la Réunion.

L'Autorité constate que, si la formulation de cette offre est intervenue tardivement au regard du dispositif de la décision initiale, le caractère tardif de celle-ci est compensé par :

- le fait que France Télécom a retenu un tarif du mégabit symétrique sensiblement inférieur au plafond fixé par la décision de l'Autorité ;

- le fait que France Télécom a proposé d'appliquer rétroactivement ce tarif à compter du 1er janvier 2005, soit quinze jours après la livraison des premiers raccordements. S'il apparaît dans les faits que cette application tarifaire rétroactive ne permettait pas à la société Mobius, entre le 1er janvier 2005 et la mise en place effective de ce tarif (mars 2005), de démarcher des clients sur la base de celui-ci, la société Mobius n'a pour autant pas été en mesure, en particulier lors de l'audience du 31 mai 2005, d'apporter les éléments permettant de justifier un quelconque préjudice qu'elle aurait subi au niveau de son activité commerciale pendant ce laps de temps.

Interrogé en séance, le représentant de la société Mobius n'a pas pu faire état d'une situation de dommage au marché ou à sa société causé par le comportement de France Télécom.

Par ces motifs :

L'Autorité considère, au regard des éléments du dossier d'instruction, que les pratiques dénoncées par la société Mobius ne sont pas constitutives de manquement dans l'application de la décision no 2004-375.

Dans ces circonstances, l'Autorité ne peut prononcer, en application de l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, une sanction à l'encontre de la société France Télécom pour non-respect de l'article 2 de la décision no 2004-375 de l'Autorité en date du 4 mai 2004,

Décide :


Article 1


Les demandes de la société Mobius sont rejetées.

Article 2


Le chef du service juridique de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargé de notifier la présente décision à Mobius et à France Télécom. La présente décision sera rendue publique et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 14 juin 2005.

Le président,

P. Champsaur